« Just when I thought I was out, they pull me back in ! »
Michael Corleone, The Godfather III
Promis, c'est la dernière fois et après je n’en parle plus ! Enfin, disons que j'essaierai de ne plus en parler… Les remugles de l'affaire Siné ne vont tout de même pas nous pourrir tout l'été, merde !
Donc, juste un truc minuscule vu dans Libé ce matin, dans un portrait pleine page de l’homme du jour. Citant un Philippe Val « en pétard », Eric Favereau nous alerte, nous lecteurs, sur un presque « dérapage » du directeur de Charlie Hebdo : « Rendez-vous compte, pas un journaliste non-juif qui me soutient. » Evidemment, Val n’a pas tout à fait raison, même si, à l’inverse de Siné, je ne suis pas capable de dresser la liste des circoncis qui mènent le monde lors des meetings d'Euro-Palestine. Mais il n’est pas totalement à côté de la plaque non plus : s’il n’y a presque que des juifs pour dire ce qui est blessant pour les juifs, pendant que le bureau politique de la vraie gauche se réunit pour décréter qu’il faut circuler parce qu’il n’y a rien à voir, on a un problème… Et le constater, cher Eric Favereau, ce n'est pas être « pas loin de déraper »...
Ces derniers jours, et suite aux deux-trois papiers que j’ai écrit ici sur cette histoire, on m’a reproché d’être hostile à la liberté d’expression. C’est faux et Siné peut bien dessiner toutes les croix gammées sur tous les murs qu’il veut, je reste partisan de la liberté d’expression la plus complète. Mais je veux pouvoir qualifier ses préjugés de préjugés en retour, sans que l’on vienne me dire que c’est ma liberté d’expression qui gêne la sienne. Je crois aussi, comme journaliste et comme responsable d’une rédaction, qu’il n’est pas anormal de proposer à un pigiste d’aller exercer ailleurs si son talent particulier le place en opposition avec les valeurs de son journal — y compris lorsqu'il est dans les murs depuis le Big-Bang et qu’il considère que quiconque a un jour fait autre chose de sa vie est un usurpateur. Un journaliste n’est pas un simple employé de bureau (et je n’ai rien contre les simples employés de bureau) mais quelqu’un qui engage moralement toute une équipe et juridiquement son directeur de la publication.
On m’a aussi reproché de ne pas voir que ce que subissent les juifs était désormais sans commune mesure avec ce que subissent les noirs ou les Arabes en termes de discriminations et de préjugés. Mais c’est une évidence que je n’ai jamais contesté. Simplement, je vois mal en quoi le fait d’être devenu numéro trois ou numéro quatre, voire même numéro cinq, sur la liste des « pas comme il faut » implique qu’il faille fermer sa gueule au risque de brusquer les imbéciles et les inventeurs de la « concurrence mémorielle » — ce concept aussi bidon que dieudonnesque, directement traduit du farrakhanisme, et qui vise surtout à fabriquer des communautés pour mieux les dresser les unes contre les autres.
Enfin, on m’a reproché de concentrer mes tirs sur un antisémitisme de gauche « résiduel » en oubliant son pendant de droite, ce à quoi j’ai répondu que dénoncer le racisme du FN tenait surtout de l’enfoncement de portes ouvertes. En tout état de cause, la lecture écœurante de centaines de commentaires « progressistes » sous les éditos en ligne de Laurent Joffrin, commentaires tous plus siné-esques que n’importe quelle chronique du vieux schnock, n'allait pas me laisser de marbre. Des réactions de la même eau sont-elles visibles sur le site de Minute ou de National Hebdo ? Franchement, je ne suis même pas allé vérifier.
Je n’aime pas passer mon temps à parler de ces questions qui essentialisent désespérément un blog et son auteur. Je veux parler d’autre chose, de politique, de culture, de sport, de ceci ou de cela. Le plus dur est donc d’avoir à se dire, comme Michael Corleone dans le Parrain III, à chaque fois qu’un Siné ou un Dieudonné dépose son tas d’excréments sur le trottoir devant ma porte, « Just as I thought I was out, they pull me back in ! ».
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