Oubliez l'Exception française avec un E majuscule, celle qui n'a plus rien à nous dire de l'exceptionnalisme gaulois. L'heure est à l'étude de la France par le tout petit bout de la lorgnette...
Défense farouche de la langue française ; préservation intransigeante des subventions agricoles ; assistance indéfectible aux intermittents du spectacle ; protection vigoureuse du camembert au lait cru ; soutien inaliénable aux « services publics » ; sauvegarde intraitable du centralisme administratif ; promotion passionnée des plats en sauce ; réduction enthousiaste du temps de travail ; bienveillance généreuse à l’égard des grévistes du rail ; justification citoyenne du cumul des mandats en politique ; indulgence amusée pour la saleté des toilettes publiques... La litanie des « Exceptions françaises » avec un grand E, ces spécificités censées permettre au reste du monde de définir sa normalité par rapport à notre singularité, est tellement rebattue qu’elle finit par ne plus nous dire grand-chose de la francité.
Le projet de ce livre , de cette collection de textes disparates, serait plutôt de traquer les exceptions mineures, ces détails — ces « idiosyncrasies », pour parler comme un Anglo-Saxon — qui renseignent plus finement l’étudiant du génie national gaulois que n’importe quel quota audiovisuel.
Mais le lecteur s’en rendra vite compte, elles sont toutes négatives et pourraient renvoyer de la France une image de nation vaine, presque arriérée. Cette impression sera fausse, mon projet n’étant pas de me livrer à un exercice d'autodépréciation masochiste mais bien à une observation distanciée de mes compatriotes. Et à vrai dire, les exceptions décrites ici ne sont négatives que parce qu’il est bien plus amusant d’évoquer les tortillards qui s’assoupissent en rase campagne que les TGV qui arrivent à l’heure. J’aurais sans doute eu du mal, en outre, à dénicher un nombre équivalent d’exceptions positives mais c’est une autre histoire...
En tout état de cause, ces exceptions ne sont ni réellement « exceptionnelles » (d’autres pays souffrent de la dictature du timbre fiscal et de la prolifération des totos sur le crâne de leurs chères têtes blondes, brunes ou rousses), ni exactement « françaises » (le dépôt de moquette dans les caniveaux semble circonscrit à la sphère parisienne), ni même d’actualité (le nouveau chef de l’État a réglé leur compte à l’amnistie présidentielle des délits routiers et à la répartition des cendriers dans les bistrots, me forçant à offrir un statut particulier à l’examen de ces curiosités)… Elles ne sont pas, de surcroît, plus intrinsèquement absurdes que les bizarreries rencontrées chez nos voisins. Sait-on seulement que les Britanniques ne disposent toujours pas de robinets de salle de bain équipés d’un mélangeur, bref, qu’ils n’ont pas encore inventé l’eau tiède ? Et connaît-on les angoisses digestives des Allemands, angoisses leur imposant l’inspection méthodique de leur production intestinale à l’aide du petit promontoire dont sont munies leurs cuvettes de toilettes ?
N’empêche, ces micro-exceptions sont « nous » et nous sommes « elles », même si un peu de changement ne nous ferait vraiment pas de mal. Lecteurs d’ici, n’ayez pas honte ! Lecteurs d’ailleurs, pensez ce que vous voudrez : peu nous chaut. Cocorico !
Il y a sans doute d'autres exceptions à traiter. Allez-vous écrire de nouveaux textes dans ce genre ?
Rédigé par : Pierre Quiroule | 22/03/2008 à 12:40
Mais certainement. Il me reste de nombreux sujets qui restent à aborder. Mais je fais également la pêche aux idées et si vous avez vous même observé quelque chose d'étrange, venez en parler ici !
Rédigé par : Hugues Serraf | 22/03/2008 à 12:42
Je vais l'acheter...et ferai un billet critique dessus :-)
Rédigé par : Toreador | 09/04/2008 à 19:12
"Sait-on seulement que les Britanniques ne disposent toujours pas de robinets de salle de bain équipés d’un mélangeur, bref, qu’ils n’ont pas encore inventé l’eau tiède ?"
Et encore, même quand le robinet ressemble à un mélangeur, l'eau chaude et l'eau froide sont nettement distinguables dans le même filet d'eau !
Rédigé par : Geabulek | 12/04/2008 à 21:38
chouette et bravo
ça fait plaisir de voir un "petit" journaliste de l'argus, finir par percer en tant qu'éditorialiste de qualité, comme il le mérite. Et pour ça, merci internet, merci le blogs, qui ont cassé les hiérarchies figées et germanopratines.
tous mes encouragements donc!
Rédigé par : coco | 14/04/2008 à 12:36
Votre livre est distrayant. Certes nous sommes les premiers consommateurs de médicaments car nous avons notamment une industrie pharmaceutique qui utilisent habilement le marketing et le lobbying. Donc ne pas confondre commerce et santé. Néanmoins, notre politique de santé poursuit son choix de médecine curative et non préventive et de ce point de vue je serai moins péremptoire que vous, un exemple le déremboursement des veinotoniques cité dans votre livre. Je vous invite à prendre connaissance de cette étude réalisées chez nos voisins italiens :
"Le contre-exemple italien
Le 1er janvier 1994, l'Italie déremboursait les phlébotropes, ce qui a eu de nombreuses conséquences comme le montre une étude réalisée en Lombardie comparant les coûts de prise en charge entre 1991 et 1999. Certes, reconnaît le Pr C. Allegra (Rome), le nombre de consultations pour maladie veineuse a diminué de moitié chez les médecins généralistes ; fait notable, la consommation de phlébotropes n'a baissé que de 20 % après leur déremboursement. Au total, le déremboursement a permis une économie directe de 54,4 millions d'euros.
Mais, entre 1991 et 1999, le nombre de patients traités à l'hôpital pour ulcères ou varices est passé de 19 000 à 26 000, soit une augmentation globale des dépenses de 23,6 millions d'euros. La baisse des diagnostics de maladie veineuse chronique en médecine générale laisse supposer que ce mouvement se poursuivra, avec encore plus de diagnostics tardifs au stade des complications coûteuses." Le Quotidien du Médecin 09/01/08
Rédigé par : Isabelle | 12/05/2008 à 20:54